lundi 23 juillet 2012

Chapitre 4

Il existe trois sortes d'éléphants. L'éléphant d'Afrique qui, comme son nom l'indique, vit en Afrique, l'éléphant d'Asie, qui a de petites oreilles, et l'éléphant de zoo, qui se nourrit de pop-corn et porte un prénom curieux, comme Daisy ou Jacqueline.
Kosmo était allongé sur son lit. Et, depuis son lit, il ne pouvait voir que le ventre de l'éléphant. C'était un gros ventre, flasque et vraiment effrayant. Il était sûr que ce ventre était effrayant pour la simple raison qu'il se trouvait juste en dessous. Tout s'était passé très vite. Il s'était allongé. Il avait allumé un bâton d'encens et, soudain, pssschit ! La fumée avait pris la forme d'un éléphant. Puis, aussitôt après, un éléphant avait pris la place de la fumée.
Il n'avait pas bougé du lit. L'éléphant prenait toute la place.
- Pardon, fit-il d'une grosse et agréable voix. Il y a quelqu'un ?
- Tu… vous parlez ? fit Kosmo en écarquillant les yeux.
Un moustique jugea que le moment était bien choisi pour le piquer sur la joue.
- C'est évident, répondit l'éléphant. Pardon mais… nous ne nous sommes pas encore présentés.
Kosmo se pencha pour essayer d'apercevoir la tête de l'animal.
- Euh, moi c'est Kosmo.
- Très heureux. Mais… où êtes-vous ?
Kosmo se glissa prudemment hors du lit et se leva. Il remarqua que l'animal occupait toute la largeur de la pièce.
- Voilà, dit-il en se présentant devant l'oeil noir où brillait sa propre image.
L'éléphant l'observa un instant, le renifla avec l'extrémité de sa trompe puis la laissa retomber mollement sur le plancher.
- Vous êtes à la recherche de l'immortalité, sans doute.
- Je… ça se voit tant que ça ?
Pendant des mois en effet, Kosmo avait sillonné la Chine de long en large, il avait interrogé bien des gens et appris bien des choses sur l'immortalité. Après les tunnels, c'était la question qui le passionnait le plus. Pourtant il sentait qu'il lui restait d'autres secrets à découvrir.
- C'est ici que vous habitez ? demanda l'éléphant. C'est très petit.
- Ce n'était pas si petit avant que vous n'arriviez, se défendit Kosmo. Je ne vous attendais pas.
Il alla s'asseoir sur le coffre et observa le bâton d'encens qu'il tenait à la main. Un minuscule filet de fumée s'en échappait et s'étirait jusqu'au plafond. Un moustique toussota, sortit par la fenêtre et disparut dans la nuit pluvieuse.
- Vous avez l'air d'en connaître un rayon sur l'immortalité, dit Kosmo.
L'éléphant secoua sa grosse tête. Il n'y connaissait rien, non, du moins pas plus qu'en triple saut ou en plongée sous-marine. Son rayon, c'était la réincarnation, c'est-à-dire la possibilité de renaître plusieurs fois.
- Ça me plairait à moi d'avoir plusieurs vies, avoua Kosmo.
- N'en soyez pas si sûr, corrigea l'éléphant d'un air mystérieux en désignant le bâton d'encens avec sa trompe.
Il essaya de se tourner.
- Qu'est-ce qu'il y a demanda Kosmo.
- Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je boirai bien quelque chose. J'ai soif.
- Euh, ça va être compliqué.
- Vous avez de l'amrita ?
- L'amrita, c'est quoi ça ?
- Vous dites que vous cherchez l'immortalité et vous ne connaissez pas l'amrita ?… Vous avez des lacunes, c'est évident.
- C'est bien ce que je pensais.
- Je ne me sens pas très bien.
Kosmo se leva et se glissa jusqu'à la porte. Les fesses de l'animal s'y étalaient sur toute la largeur. La porte grinça.
- Qu'est-ce que vous faites ? demanda l'éléphant.
- Je cherche un moyen de vous faire sortir d'ici.
- Oh, ne vous donnez pas cette peine.
L'éléphant saisit brusquement le bâton d'encens et le jeta par la fenêtre, dans la rue inondée. Aussitôt, pssschit ! Il disparut, ne laissant derrière lui qu'un panache de fumée blanche.
- Bon, ben… salut camarade.

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